Contexte : Loi PACTE, entreprises à mission, entreprise contributive
Entreprise responsable, morale, éthique, contributive… Depuis plusieurs mois, de grands débats d’idée ont lieu autour de la Loi PACTE, de la notion d’entreprise à mission, d’entreprise responsable.
Selon la définition de l’ONU, le « le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
La Loi PACTE, qui repense l'objet social de l'entreprise, a été votée en février 2019. Elle consacre la notion de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) comme socle de l'entreprise. Elle propose 3 "marches" à gravir : la première est un rattrapage de la législation, suivie de 2 marches collectives.
· La modification de l’art 1833 du code civil : l’entreprise doit être gérée dans l’intérêt collectif en prenant en compte les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux.
· La raison d’être est la possibilité offerte aux Conseils d'administration de s’interroger sur la contribution de leur modèle économique au bien commun.
· La création du statut (reconnaissance juridique) d’entreprise à mission. Elle permet de définir sa mission et les moyens à allouer pour la faire vivre, avec une gouvernance alignée autour de la mission. Les engagements liés fixent des objectifs, des actions concrètes avec indicateurs, un planning et des responsabilités. Un organisme tiers indépendant évalue et vérifie la qualité du suivi de la mission.
En février 2020, le Président du C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable), Fabrice Bonnifet, déclarait :«la RSE traditionnelle doit faire face à la responsabilité morale des entreprises ».
Le dernier événement du Medef en février 2020 a eu lieu sur le thème de « l’entreprise contributive, le secret des entreprises performantes » (*1)
La finance responsable s’empare également du sujet, afin de soutenir les entreprises dans leur volonté de contribuer à la transition sociale et écologique. La trilogie “Planet, people, Profit” est la bonne façon d’assurer la pérennité des investissements. Les assises nationales des délais de paiement, co-organisées par l’AFDCC : Association Professionnelle des Credit Managers, et par la FIGEC « Fédération Nationale de l’Information d’Entreprise, de la Gestion des Créances et de l’Enquête Civile » auront lieu le 25 juin prochain au MEDEF à Paris. Cet événement, valorise les efforts des entreprises vertueuses et les meilleures pratiques.
On constate aussi une avancée notable de la comptabilité de l’immatériel.
Une entreprise ayant une politique RSE cherche à avoir un impact positif sur la société, à respecter l’environnement tout en étant économiquement viable, en respectant ses parties prenantes internes : collaborateurs et externes : clients, fournisseurs, actionnaires ou acteurs du territoire…. Plus encore, en instaurant un dialogue avec elles.
On sait moins que la structuration de certains labels RSE propose de prendre en compte l’éthique des affaires, les achats responsables et donc aussi les délais de paiement.
I - des délais de paiement à fort impact
Plusieurs grandes entreprises se sont vues retoquées en 2019 concernant le non-respect des délais de paiement. EDF a ainsi été condamnée à une amende record de 1,8 millions d’euros.
Ne pas respecter les délais de paiement constitue un risque d’image important pour l’entreprise.
Selon le rapport de l’Observatoire des délais de paiement de 2018, les retards de paiement sont un facteur de risque important pour des entreprises déjà fragiles (souvent de petites entreprises moins capitalisées et moins rentables). Ils sont à l’origine des difficultés de trésorerie d’une PME sur quatre, et coûtent à la France 0,2 % de PNB par an. Selon l'Observatoire, moins d'une grande entreprise sur deux règle ses fournisseurs avant le délai de 60 jours.
Madame Agnès Pannier – Runacher, Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances a rappelé que les PME bénéficieraient d’un supplément net de trésorerie de 19 milliards d’euros si les délais de règlement étaient respectés.
L’article 123 de la loi Sapin II a institué le « name and shame » (nommer une entreprise ou une personne) pour les infractions de retard de paiement. La DGCCRF notifie sur son site le nom des sanctionnés.
Les conséquences des retards de paiement sont multiples et s’enchaînent : une perte de temps dans l’attente du paiement, des marchés auxquelles on ne peut répondre faute de trésorerie pour acheter les marchandises, des emplois non crées, des investissements non réalisés... Conséquences ultimes : des salariés licenciés, des placements en règlement judiciaires et des faillites.
Les causes sont multiples : une politique floue, une absence de position de la Direction Générale ou une position non respectée, des process de validation multiples, opaques, parfois décentralisés, avec des factures qui s’égarent, ou encore une absence d’anticipation de la date d’échéance. La société en souffrance du paiement subit une double peine : des frais financiers, suivis de frais de recouvrement sans garantie de résultat.
II - Les délais de paiement s’inscrivent dans la politique RSE
Les démarches RSE doivent prendre en compte les délais de paiement.
Un exemple avec l’un des principaux labels RSE français : le label LUCIE. Il existe aussi les démarches Ecovadis, engagé RSE d’AFNOR, et B Corp.
La démarche LUCIE permet aux organisations d’identifier leurs pratiques RSE, de structurer et déployer leur démarche, selon une méthodologie basée sur l’ISO26000. Elle mesure les impacts (ou externalités) de l’activité de l’entreprise sur les aspects sociaux, sociétaux et environnementaux.
Comme toute démarche RSE, la démarche débute par le choix des enjeux RSE prioritaires : ceux qui sont au cœur de la création de valeur économique de l’entreprise.
Toute entreprise a des pratiques RSE. Le label LUCIE propose un cadre pour les structurer. 25 principes d’actions sont structurés autour de 7 engagements :
o Gouvernance responsable
o Respect des droits des personnes,
o Relations et conditions de travail responsables,
o Environnement,
o Ethique des affaires,
o Intérêts des consommateurs,
o Développement local et intérêt général.
Les délais de paiement s’inscrivent dans le volet éthique des affaires, c’est-à-dire : mettre en place une politique d’achats responsables, prévenir tout acte de corruption active ou passive, garantir les conditions d'une concurrence loyale, agir en faveur de la responsabilité sociétale chez les fournisseurs, créer des liens durables avec les fournisseurs.
Le Principe d’action n°19, concernant les liens durables, précise plusieurs sous-thématiques telles que s’assurer de l'égalité de traitement entre les fournisseurs, du respect des contrats, donc notamment des délais de paiement avec le respect à minima de la LME (*2 Loi de Modernisation de l’Economie). Il préconise également une relation gagnant-gagnant, le contrôle du niveau de dépendance, voire l’accompagnement si nécessaire.
Cela implique aussi de revoir ses procédures, de s’assurer par exemple de la réalité et de la justification des validations, des schémas d’enregistrement et de traitement des factures par la comptabilité fournisseur, des circuits de paiement. Les situations particulières, telles qu’un problème de trésorerie ponctuel, doivent être prises en compte.
Dans le cas du label LUCIE, l’auditeur mandaté par un bureau de certification vient interroger sur les délais de paiement et sensibiliser sur l’impact. A noter que depuis la Loi Sapin 2, les commissaires aux comptes doivent certifier les comptes annuels, mais aussi indiquer dans leur rapport le montant total hors taxe des factures reçues, et celui des factures émises, n'ayant pas été réglées à la date de clôture de l'exercice. L’entreprise pourra mettre en œuvre un plan de progrès, avec indicateurs associés. L’audit sur site, ainsi que les entretiens avec les parties prenantes internes et externes, permettent de questionner directement les pratiques opérationnelles de l’entreprise.
On peut citer aussi des dispositifs plus orientés achats :
- La charte RFAR et le label RFAR / Relations Fournisseurs & Achats Responsables, crées par la médiation des entreprises et la Conseil National des Achats (CNA). Le premier engagement de la charte est d’« assurer une équité financière vis-à-vis des fournisseurs », prenant en compte les délais de paiement. Les groupes de travail ont précisé plusieurs recommandations. Le label prend en compte l’équité financière vis-à-vis des fournisseurs dans son critère 3.1.
En conclusion,
Les démarches méthodologiques associées aux labels RSE permettent de structurer, avec des indicateurs, des échéanciers des livrables, des engagements.
Ces démarches doivent permettre avant tout de se questionner, de revoir les pratiques opérationnelles, de se situer dans une démarche plus vertueuse et de progrès permanent.
Considérer son fournisseur ou prestaire comme un véritable partenaire procure de nombreux bénéfices et crée de la valeur partagée telles que co-construction, innovation, meilleure compréhension de part et d’autre et meilleure qualité de service… Une meilleure gestion des paiements donne plus de confiance à son fournisseur, qui pourra développer une relation plus fidèle, plus loyale et plus sereine. Le délai de règlement fournisseur est un outil de pilotage de la relation fournisseurs.
Au-delà, la relation fournisseurs doit être considérée au même niveau que la relation clients. Elle contribue à avoir un comportement positif et bénéfique envers ses parties prenantes, et envers la société.
Natalie Lange, DG EthicRSE, cabinet conseil en RSE
Ethicrse.com, n.lange@ethicrse.com
Lauréate prix Rotary Créateurs Consultante formée label #RSE #LUCIE26000, Achats Responsables RFAR, #Numérique responsable Consultante réseau ALTARIS : Achats et Supply chain Consultante partenaire #RSE Bureau #VERITAS
Notes
(*2) :
« La loi LME de 2008 fixe les délais de paiement à 60 jours calendaires à compter de la date de la facture ou 45 jours fin de mois. La loi Macron (loi croissance du 6 août 2015) a instauré un seul délai de 60 jours à compter de la date d'émission de la facture. Un délai plus long de 45 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être accordé à titre dérogatoire s'il est expressément stipulé dans le contrat entre les entreprises et qu'il ne constitue pas un abus de la part de l'entreprise commanditaire. »
Sources :
https://www.labellucie.com/ http://www.rfar.fr/ https://www.delais-paiement.fr/
L’Express – Délais de paiement La Loi a changé 23/11/16
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